vendredi 24 janvier 2014

> Mickey… M-I-C-K-E-Y : la madeleine, c'est Donald !

Je me suis finalement décidé à rechercher ce fameux premier numéro du Journal de Mickey que j'ai lu enfant…
Si j'ai conservé quasiment toutes les revues et bandes dessinées qui m'ont été offertes depuis mon enfance, incluant celles de mon père dont les journaux de Spirou ou Tintin décennie 50 du XXe siècle, quelques petites choses sont passées  à travers les mailles du filet : en particulier mes journaux de Mickey ou Pif Gadget, mes Pif Poche et autres poches, Alan Ford du grand Magnus (forcément) etc.
J'avais toujours conservé dans un petit coin de ma mémoire le visuel de la couverture de ce fameux premier numéro de Mickey : il ne doit pas y en avoir tant que cela avec Popop et Donald en dominante rouge ?…
Comme il m'arrive parfois de le me réveiller tôt la nuit, une de celles-ci m'a permis de faire quelques recoupements rapides entre la couverture que j'avais en mémoire, les dates possibles… : en particulier grâce à cet extraordinaire site BD OUBLIÉES et divers autres sites…

Je l'ai trouvé (relativement cher) sur un site internet sur lequel je ne vais jamais, c'est donc un ami qui l'a commandé pour moi.
Je ne sais plus trop quel librairie vendrait des numéros de magazines BD hors Spirou et Tintin (et au numéro ce doit être de plus en plus rare : et plus aléatoire encore de tomber sur le numéro que l'on recherche ) ?
Ce genre de libraires vendent sur la toile, qui se tisse et encercle de plus en plus les librairies physiques ayant encore pignon sur rue…
Mon ami me l'a apporté vite : état pas terrible, prix élevé pour ce type de numéro mais le fait d'avoir "à nouveau" ce fameux premier numéro de Mickey qui est en fait la première bande dessinée que j'ai lue n'a pas de prix…

Le Journal de Mickey #978 du 14 mars 1971

La fameuse madeleine(1) fonctionne bien en général.
Mais peut aussi nous ramener à la réalité !
Et le souvenir emplit de nostalgie est souvent inversement proportionnel à la qualité réelle du contenu que l'on vaillamment cherché et fini par trouver…
Cela se vérifie : j'ai bouclé une faille spatio-temporelle (dans la mesure où j'ai failli : à ne pas savoir conserver ce numéro, que j'ai peut-être prêté et qui ne m'a jamais été rendu d'ailleurs : un grand classique), mais il n'est pas toujours bon d'être un looper.

Je suis heureux d'avoir trouvé ce numéro, surtout dans le prolongement immédiat du moment où je me suis décidé à en chercher les références : une quête trop longue engendre trop d'attente, trop souvent très décevante au moment où l'on trouve l'objet de sa quête.
Ce n'est pas le Graal tout de même…
D'ailleurs je me demande si la quête en elle-même n'est pas plus importante que l'objet de celle-ci : elle nous porte et nous oriente.
Pour revenir à ce numéro 978  du Journal de Mickey : objectivement, pour ce qui est du contenu, donc des histoires de bande dessinée à l'intérieur, ce ne sont pas vraiment des chef-d'œuvres !

Heureusement que je suis passé à Spirou, Tintin, Pif gadget tout en lisant aussi Le Journal de Mickey… cela permettait de ré-équilibrer mes lectures de bandes dessinées et d'ouvrir le champ de vision…

Cela dit, l'univers des canards : Donald, ses neveux et Picsou et les autres, est celui qui m'a toujours énormément plu.
Donald est mon personnage préféré dans l'univers disneyen : le seul personnage complexe et véritablement "humain"…
Tout ce qui fait l'Humain est concentré en lui : il n'est pas habité par cette espèces de niaiserie du héros parfait que sont devenus trop de personnages de bande dessinée au fil du temps, Mickey en particulier : avec ce côté trop fortiche, trop parfait qui correspond à cette idée trop répandue de nos jours finalement du politiquement correct, est assommant.
Trop fade. Voire fadasse.
Donald a vraiment du caractère et, parfois, sale caractère (en passant : la meilleure collection éditée par Glénat dans les années 80, qui n'a pas marché, comme par hasard) : c'est en cela qu'il est intéressant car réellement humain.
Il vit. Il respire. Très, trop fort parfois car il fulmine. Il enrage. Il n'aime pas l'injustice qui l'entoure. Il s'emporte mais finit toujours par retrouver son calme. Il perd parfois, a priori, mais il gagne plus en retour au final…
Certes Donald a des aspérités, mais Donald c'est la Vie.

Tout simplement.
Dans ce qu'elle doit/devrait être : avec des hauts et des bas. Du mouvement et du rythme.

Donald est finalement, véritablement, indéniablement gentil. Il suffit de lire au-delà de la surface et du vernis de  Mickey pour s'en rendre compte.
Naïf car il croit encore et toujours en lui, en Picsou, en tant de choses, et peut-être en sa chance, son destin qui ne sont pas si souvent présents…
Il porte des rêves et des espoirs, le principal étant l'amour de Daisy.
Il voudrait avoir de l'argent, mais pas comme Picsou pour le stocker et en amasser toujours plus, mais pour le dépenser et faire plaisir autour de lui, réaliser des choses, les matérialiser. Ce qui est le plus important car faire est toujours plus important que parler des choses que l'on va faire et que l'on ne fait jamais.
Donald est un Utopiste.

Mickey est bien trop gentil, trop lisse, il ne fait jamais de vagues : le héros trop parfait (là où Donald est perfectible).
C'est inquiètant. Voire suspect.
Le monde de Disney est devenu trop moralisateur (soit-dit en passant, j'en connais pas mal d'autres dans la bande dessinée qui le sont) : glissant vers la formule de Jean Yanne sans le fond ou le décalage :  Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil
Un univers bien plus manichéen que celui des canards.

Un monde en voie de pasteurisation, et que cela prenne, tout au moins en France, serait vraiment paradoxal…

Alors, oui, vive Donald Duck, et toute sa famille de canards qui ne sont pas boiteux du tout !

Que les électrons libres continuent à remuer un peu partout tels ces haricots sauteurs qu'offrait un ancien numéro de Pif Gadget !!!…

Pop… pop… pop… Popop !!!



L'œuf du mystère, planche originale
© Ted Benoit


(1) «Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté... Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur goutelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.»
Marcel Proust, Du côté de chez Swann À la recherche du temps perdu 1