samedi 8 octobre 2016

> Tintin dans la rue par Serge Clerc alors que Monsieur Hergé s'expose !

Le Tintin du week-end…
Avec la multiplication de toutes ces ventes aux enchères et cette concurrence impitoyable entre tous ces vendeurs d'originaux, il va falloir attraper le tintin qui fera cher !

Serge Clerc, Tintin à Drouot, Hommage
d'après Georges Rémi, 1995
Dessin Original —Encre de Chine sur papier+ crayon papier

"Nous sommes faits comme des rats mon vieux Milou !… Ils vont nous attraper avec leur grand filet et nous exposer aux regards concupiscents du grand public et, pire, des tintinophiles idolâtres !!!"


Exposition Hergé au Grand Palais du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017…

Ça me semble très attrayant cette grande exposition consacrée à Hergé !…
Ah, ça ils vont en vendre de la carte postale, du magnet et du gadget à l'occasion de cette exposition !
Il est dommage que l'affiche ne soit pas à la hauteur de l'œuvre d'Hergé…
Quand il y a une exposition au Grand Palais sur Klimt (avec panneau : "ici vous en avez pour 3 h d'attente dans la file") ou Walt Disney, on choisit une belle toile ou un beau dessin d'accroche : la photo d'Hergé et ce montage avec ce petit bout de Tintin au lieu de mettre un super beau dessin, voire le dessin d'Hergé à sa table à dessin est un choix graphique plus que discutable… D'autant plus que des supers beaux dessins d'Hergé, ce n'est pas ce qu'il manque !!!!
L'avantage notamment des dessinateurs de Bande Dessinée, des peintres ou des photographes est d'avoir à sa disposition une incroyable quantité d'œuvres et de visuels tous plus forts les uns que les autres!!!
La typo choisie pour HERGÉ dans le style accrochage lumineux n'est pas du meilleur effet non plus…

Hergé Grand Palais Exposition 2016—2017

L'affiche de l'exposition (entrée gratuite) au Centre Pompidou en 2006 était vraiment une très belle affiche, avec la fusée à damiers qui décolle et se détache sur le fond noir du ciel étoilé : on se rend facilement compte qu'il suffit d'un très beau dessin pour faire une très belle affiche d'exposition, et accrocher le regard du public !

Le visuel de Tintin à droite sur cette affiche est un auto-recyclage retouché et nettoyé de sa fenêtre (Mon Dieu ! Quelle hérésie !!) d'une vignette de Tintin déjà utilisée par Moulinsart pour une couverture de livre édité par eux-mêmes en 2003, avec reprise dans une série de marque-pages promotionnels pour ledit livre, sans grand intérêt…

Berenboom, Drôles de plumes
11 nouvelles de Tintin au pays du Roi des belges
© Éditions Moulinsart, 2003

Drôles de plumes  Marque-page promotionnel
Recto (à gauche) + verso (à droite)
© Éditions Moulinsart, 2003

Comme nous l'a appris Lavoisier (ou Anaxagore : comme vous préférez) : rien ne se perd

On discerne la couverture de L'affaire Tournesol sur la photo d'Hergé de cette affiche du Grand Palais : qui est mon Tintin préféré !
Prendre cette couverture avec son éclaté et évider sa partie centrale pour y coller cette photo, ou une autre photo, mieux encore,  un beau dessin, aurait pu donner quelque chose de différent !…

Je suis allé sur internet et j'ai trouvé quelques images de très mauvaises qualités, puisqu'en très basses définitions et je me suis amusé à faire quelque chose à partir de la couverture de L'affaire Tournesol
Ce qui m'a pris le plus de temps ?  Trouver le crobard — une dédicace,  que j'ai positionné sur le visage du buste de Tintin — de pas trop mauvaise qualité, et plus encore, de trouver les logos des mécènes sponsors de l'exposition : je ne les pas tous mis, parce qu'à ça devient vite ennuyeux…
En gros, je suis allé chercher ce que tout le monde peut trouver sur internet, et j'ai rassemblé le machin en kit à la suédoise : et comme avec eux, ça ne prend que quelques minutes à monter…
J'imagine ce qu'un vrai graphiste aurait pu faire avec des images de meilleures qualités, et, surtout des idées de… graphiste  !
Allez, brisons le miroir.
Moi aussi, je peux faire mon affiche d'exposition bien naze !

(fausse) Hergé Grand Palais Exposition 2016—2017
mon affiche pour m'amuser ©Me, myself and I - 2016
© Éditions Moulinsart (au cas où ?!!)

Une petite question piège maintenant : mais d'où vient la vignette mise en avant dans l'affiche (la vraie !) de cette exposition au Grand Palais ?
Pas du tout de L'affaire Tournesol, comme la photo pourrait le laisser croire, mais du Sceptre d'Ottokar, huitième aventure de Tintin et Milou : de la page 37 exactement, en bas à droite…

Hergé, Tintin, Le sceptre d'Ottokar
Édition originale 19??
© Éditions Casterman + Moulinsart

Hergé, Tintin, Le sceptre d'Ottokar
Page 37 — Case en bas à droite
© Éditions Casterman + Moulinsart

Hergé, Tintin, Le sceptre d'Ottokar
4e plat
© Éditions Casterman + Moulinsart

Comme je sais que vous aimez jouer avec Tintin, je vous laisse me dire de quelle édition il s'agit précisément ?
Le premier gagnera une surprise ???… Mystère ???

Pour l'anecdote, dans la première version en noir & blanc parue, cette case est en page 63 et se trouve en haut à droite (pagination réduite lors du passage en 64 pages pour les versions couleurs postérieures, avec passage de 3 en 4 bandes).

Hergé, Tintin, Le sceptre d'Ottokar
Page 63 — Case en haut à droite
© Éditions Casterman + Moulinsart

Hergé, Tintin, Le sceptre d'Ottokar
Édition originale noir&banc A7 + 4 hors-textes couleurs
© Éditions Casterman + Moulinsart


Cet album doit avoir un intérêt graphique qui m'échappe, puisque c'est une autre case de la page 44 qui a servi au siècle dernier à l'affiche de l'exposition Tout Hergé qui s'est déroulée à Welkenraedt — en Belgique — en 1991…

Hergé, Tintin, Le sceptre d'Ottokar
Page 44— Case en bas à gauche
© Éditions Casterman + Moulinsart

Tout Hergé Welkenraedt Exposition 1991

Voir des originaux d'Hergé,  a toujours quelque chose d'extraordinaire pour les yeux !

J'étais allé voir celle de 1991 et c'était grandiose… Un espace gigantesque, beaucoup de choses et beaucoup de monde. Des gamins qui couraient partout… dans tous les sens, et ambiance très familiale.

C'est cette ambiance que j'avais retrouvée dans le très beau Musée Hergé à Louvain-la-Neuve (en Belgique) ou nous sommes allés en hiver 2009 : là aussi, beaucoup de familles et ça change des expositions de Bande Dessinée pour les grands couillons que nous sommes devenus…
Bon, je parle pour moi !

Musée Hergé Louvain-la Neuve
Billet d'entrée 2009

Musée Hergé Louvain-la Neuve
Billet d'entrée 2009

Idem pour celle de Pompidou, avec des planches historiques comme la 1ère des Soviets, voire celle de ce qui aurait dû être Tintin et le thermozéro (qui n'est pas une histoire où Tintin perd son thermos de café dans le tram !), et évidemment l'intégralité du Lotus Bleu exposée dans sa version longue noir & blanc, dans un espace dédié au sous-sol !
Il y avait aussi toutes ces correspondances avec papier à en-tête d'Hergé, avec ses éditeurs et surtout son futur nouvel éditeur, Casterman : très instructif et très touchant…

Alors, oui, une exposition sur Hergé ne se rate pas !


Valéry Ponzone

vendredi 7 octobre 2016

> Valhardi et les charmes de Bangkok…

C'est amusant de constater que certaines bandes dessinées européennes ont dû être faites avec de très anciennes encyclopédies traînant depuis des générations dans certaines familles, avec un angle de vue très ethno-centré !
Pour commencer cette Bande Dessinée de 1950 nous situe l'action au Siam (sur la carte comme dans les dialogue : "c'est beau le Siam", constate Jacques) : alors que le Siam est devenu la Thaïlande depuis 1939 !
La mise à jour a dû mettre quelques décennies pour arriver à Bruxelles ?
Ou Valhardi n'avait nison Routard, ni son Lonely Planet avec lui ? 

Très étonnant dans les pages d'un illustré pour les jeunes dont le rôle éducatif et hautement pédagogique était tellement mis en avant).

Paape+Charlier, Valhardi et Jacques…
in Le Journal de Spirou numéro 613 du 12 janvier 1950
© Dupuis + Paape&Charlier

Dès le début le ton est donné : comparer un temple bouddhiste comme le Wat Arun avec la Tour Eiffel est d'une finesse incroyable avec cette introduction "le temple Wat Aroun — temple de l'aurore — est à Bangkok ce que la Tour Eiffel est à Paris."
Il faut oser mettre sur le même plan un édifice religieux, de quelle que religion que ce soit, avec une Tour en poutrelles de fer qui n'a jamais eu aucun rôle défini hormis devenir un monument visité par les touristes, avec encore quelques antennes…
La Wat Arun serait plutôt à la Ville de Bangkok, ce qu'est la Cathédrale Nôtre-Dame à Paris.
Même en 1950 !!!

Le Temple Wat Arun © Me, myself and I

La suite est toute aussi intéressante, dans le genre éducation de nos chers enfants avides de connaissances…
Il ne faut pas s'étonner — en leur ayant mis ce genre d'idées dans la caboche — que certains aient eu tant de mal à évoluer…
"C'est-y pas malheureux de devoir obéir à une femme!" se lamente l'un des deux gangsters de l'histoire (case 3 avec flèche rouge devant)…

Paape+Charlier, Valhardi et Jacques…
in Le Journal de Spirou numéro 629 du 4 mai 1950
© Dupuis + Paape&Charlier

Renchérit par un "Ma parole, c'est une femme qui commande !" dans la 2e case du numéro sorti 2 semaines après…
Heureusement que cette femme qui commande a la répartie cinglante : "Oui, une femme qui commande! Pourquoi pas?"

Paape+Charlier, Valhardi et Jacques…
in Le Journal de Spirou numéro 631 du 18 mai 1950
© Dupuis + Paape&Charlier

Damned !
Mais ça ne s'arrête donc jamais ?…
Le lecteur moyen doit avoir 10 ans en 1950 : les déferlantes féministes des années septantes ont dû surprendre plus d'un ancien lecteur de Spirou arrivé à maturité dans cette décennie !!!
Tu parles d'une maturité !

Je vous laisse, je dois justement m'occuper de ma fille…



Valéry Ponzone



PS : Cela dit, il faut bien avouer que le dessin de Paape de cette époque est extrêmement intéressant et dynamique…
Le trait s’empâtera un peu et  se figera plus tard, malheureusement : le Eddy Paape de cette époque n'aurait pas démérité à se retrouver dans les pages du célèbre illustré Captivant, ne fut-il pas ?

jeudi 6 octobre 2016

> Gil Jourdan et les Grands Maîtres de la peinture…

C'est tout minot qui j'ai découvert Gil Jourdan grâce au beau Journal de Spirou et à une sacrée jaunisse*…
En effet, vers 9 ans j'ai dû rester en convalescence chez mes grands-parents pour ce machin là, auquel on donne un nom plus blouse blanche de nos jours…
Je lisais et relisais des bandes dessinées, jusqu'à ce que ce mon grand-père décide de descendre des combles de belles caisses en bois avec des journaux papier à l'intérieur pour emballer et en protéger le contenu.
Le trésor absolu : toutes les bandes dessinées des années 50 de mon père : des Spirou et Fantasio couverts avec du beau papier rouge pour les protéger, avec leur dos carrés oranges, des Tintin, Blake et Mortimer, Lucky Luke, L'Épervier, Gil Jourdan (…) et surtout, surtout, tous ses journaux de Spirou et Tintin des mêmes années 50…
C'est ainsi que j'ai pu lire — en parallèle — les mêmes journaux des années 70 (sans parler de tous les autres : Pif Gadget ; Mickey et les dérivés en poche ou autres formats etc.) et ceux des années 50 ou les livres de Bande Dessinée de mon père des séries qui en sortaient.
Incroyable.
L'une de mes claques fut vraiment Gil Jourdan par Maurice Tillieux, qui débute donc en 1956 il y a 60 ans comme tout le petit monde de la Bande Dessinée va le faire remarquer un peu partout (même ceux qui viennent de le découvrir via les dernières belles éditions intégrales de la Collection Patrimoine de Dupuis : ils font toujours plus de zèle…).
Je sais bien que je suis en léger décalage, mais j'ai dû rechercher dans mes anciens Journal de Spirou, et ce n'est pas une mince affaire !
Gil Jourdan tranchait par le ton et la dynamique des histoires. Les deux étant liés, puisque le ton fondé dès le début sur des réparties et des dialogues percutants et cinglants ne pouvait que servir la dynamique de l'intrigue… renforcée par la force des dialogues et des éclats de rire de Libellule à ses propres blagues vaseuses, ou surtout tirées par les cheveux (c'est un paradoxe quand on voit son crâne sous son chapeau !)…

Tillieux, Gil Jourdan, Popaïne et vieux tableaux (My name is Gil…)
Bandeau annonce —  Le Journal de Spirou numéro 1008 du 8 août 1957
© Dupuis + Tillieux
Cela explique les raisons pour lesquelles mon œil s'est habitué à ces trames anciennes et ces papiers jaunis, certainement remplis de bois par déduction postérieures…
Mes madeleines ne sont pas De Mille, mais bien sur ces tirages et éditions anciennes : plus proches des Mille et une Nuits… que j'ai dû passer à les lire et les relire depuis cette descente des combles et ces découvertes…

Mon père n'avait pas vraiment vu d'un très bon œil que j'ai accès à toutes ses Bandes Dessinées si jeune, il craignait que je n'y fasse pas assez attention : alors, que c'est totalement le contraire qui a dû se produire, je pense que mon côté maniaco-dépressif de collectionneur de base remonte à cette époque…

J'ai prolongé la collection paternelle, et, pour rester sur Tillieux, j'ai par la suite recherché le maximum de choses le concernant…
 
Cela fait maintenant longtemps que j'avais relevé ce genre de détail amusant : dans Popaïne et vieux tableaux — la suite de Libellule s'évade — deuxième aventure de Gil Jourdan, Palankine invite son sbire Malabarte à "une réception en l'honneur de son nouveau Rubens"…

Tillieux, Gil Jourdan, Popaïne et vieux tableaux
in Le Journal de Spirou numéro 994 du 2 mai 1957
© Dupuis + Tillieux

Palankine a les moyens de son bon goût… Et on ne sait que fort bien comment il arrive à ses fins !
Un peu plus tard dans l'histoire, on retrouve Gil Jourdan, Libellule et Queue de Cerise cherchant une solution pour entrer dans la propriété de Palankine : c'est Libellule qui trouve une ouverture dans 'son' journal : "la collection Palankine s'enrichit d'un nouveau Rembrandt (…) Une réception au cours de laquelle on accrochera à la cimaise le nouveau Rembrandt qu'il vient d'acquérir.
Hum, hum, hum !!!???
Un petit souci ou Palankine se serait fait rouler en quelques pages ?… Une substitution de toiles ?…
Non, pas lui : ce n'est pas possible !
Que Tillieux se trompe en passant de l'un à l'autre est d'autant plus amusant quand on connait un peu la relation entre les deux Grands Maîtres !… 

Bon !  À 60 ans, il serait peut-être temps de se faire un petit lifting et nettoyer ce genre d'aspérités dans l'histoire non ? 
En tout cas cela reste amusant, même si très anecdotique.

Tillieux, Gil Jourdan, Popaïne et vieux tableaux
 in Le Journal de Spirou numéro 1007 du 1er août 1957
© Dupuis + Tillieux

Soixante ans, disais-je : Gil Jourdan a été publié pour la première fois dans Le Journal de Spirou numéro 962 daté du 20 septembre 1956, dont voici l'accroche en couverture…
Vous remarquerez que Le Gorille (qui a bonne mine, comme nous l'apprend André Franquin) est plus qu'heureux de cette arrivée dans les pages de son journal et qu'il le démontre à sa façon au marsupilami — toujours très stoïque — qui se trouve face à lui !
Bom ! Bom!  Bom !!!

Tillieux, Gil Jourdan, Libellule s'évade — Annonce
  Le Journal de Spirou numéro 962 du 20 septembre 1956
© Dupuis + Tillieux

Tillieux, Gil Jourdan, Libellule s'évade — Planche 1
  in Le Journal de Spirou numéro 962 du 20 septembre 1956
© Dupuis + Tillieux

Les deux planches suivantes ont été pré-publiées en niveaux de gris : contrainte technique due à la pagination du Journal de Spirou : mais c'est toujours étonnant de le découvrir ainsi n'est-ce pas ?
Si un jour on veut sortir une édition fac-similé de la publication dans Le Journal de Spirou, comme cela semble être la mode sur certaines séries classiques, ce sera assez surprenant pour le lecteur !
On dirait un album des Pieds Nickelés

Tillieux, Gil Jourdan, Libellule s'évade — Planche 2
in Le Journal de Spirou numéro 962 du 20 septembre 1956
© Dupuis + Tillieux

Tillieux, Gil Jourdan, Libellule s'évade — Planche 3
in Le Journal de Spirou numéro 962 du 20 septembre 1956
© Dupuis + Tillieux

Tillieux, Gil Jourdan, Libellule s'évade — Planche 4
in Le Journal de Spirou numéro 962 du 20 septembre 1956
© Dupuis + Tillieux

Voici la version actuelle des couleurs de la première planche de Gil Jourdan, Libellule s'évade : quelques différences significatives entre les couleurs dans Le Journal de Spirou et cette version !
Ne serait-ce que la porte de la prison : bien verte dans Le Journal de Spirou : et quand le bois est trop vert, il y a de fortes chances que les prisonniers puissent s'échapper plus facilement n'est-ce pas ?…


Tillieux, Gil Jourdan, Libellule s'évade — Planche 1
Gil Jourdan — L'intégrale 1 — Version couleurs différentes
© Dupuis + Tillieux,  2009

Tillieux, Gil Jourdan, Gil Jourdan — L'intégrale 1
Couverture
© Dupuis + Tillieux,  2009
Pour certains le meilleur des Gil Jourdan serait le troisième :  La voiture Immergée paru en 1958 dans Le Journal de Spirou, du numéro 1067 au numéro 1089.
Ce n'est certainement pas la séquence la plus fascinante ou la plus inquiétante que je vais relever ici, mais un simple détail sur le temps qui passe.
Pas celui des cerises, même si la scène se passe à Montmartre (Paris, 18ème ardst), et plus précisément dans la rue des Abbesses. Que voici dessinée par Maurice Tillieux, pour un rendez-vous nocturne des plus dangereux donné à Gil Jourdan flanqué de Libellule dans un immeuble délabré de cette rue centrale de la Butte Montmartre…
Le 22 rue des Abbesses vu par Tillieux : comme nous l'apprend Libellule dans la page précédente, "c'est la rue où il y a ces immeubles à appartements expropriés par la SNCF. Un bel endroit pour se faire couper la gorge !".
Voilà qui rendrait nostalgique tous les parisiens qui aimeraient tant trouver un appartement dans cette rue, dans ce quartier plutôt très chic et qui n'a plus rien à voir avec un coupe-gorge depuis quelques décennies…

Tillieux, Gil Jourdan, La voiture immergée — Planche 6
in Le Journal de Spirou numéro 1069 du 9 octobre 1958
© Dupuis + Tillieux
Voici le 22 rue des Abbesses quand on tape sur le site des Gogols® que nous devenons jour après jour grâce à internet…
Rien à voir. Je pense que Tillieux a dessiné son Montmartre à sa façon.
Le 22 est la porte bleue, à gauche de l'agence LCL.
Le store rouge est une boulangerie avec terrasse : pas terrible.
Je crois qu'avant c'était un troquet, un bistrot comme il en restait encore sur la Butte Montmartre jusqu'à ce que les années 2000 ne les transforment en cafés parisiens pour touristes, hipsters et les nouveaux habitants de la Butte, bien  moins lumpenprolétariat qu'auparavant !
Je me demande si le café que la boulangerie aurait remplacé, n'était pas le repaire de Mezzo, Max (celui de Spoty : le génie underground de Métal Hurlant) et toute la clique ?
Peut-être Tillieux a-t-il pris une autre portion de la rue pour faire son immeuble délabré ?
Jadis, il y avait un ancien hôtel de passes (rendez-vous galants ?) un peu plus loin dans la rue, en allant vers la rue Lepic : Le Pompée !!!
Et comme le rendez-vous fixé à Gil Jourdan au téléphone est donné dans la chambre numéro 7 ?…

22 rue des Abbesses — 75018 PARIS © Google Street View 2016

Tillieux, Gil Jourdan, La voiture immergée
Édition originale 1960 — Couverture
Collection Yves Chaland © Dupuis + Tillieux

Si j'aime énormément La voiture immergée, je lui préfère davantage Libellule s'évade et Popaïne et vieux tableaux, ou Les moines rouges : celui-ci fait partie des livres de Bande Dessinée qui appartenaient à mon père, et, donc, des tous premiers Gil Jourdan que j'ai lu tout jaune… comme une madeleine bien dorée !
J'étais d'ailleurs parti en vacances aux Sables-d'Olonne avec oncle et tante et dans mes bagages Les moines rouges et Le gant à 3 doigts que le relisais sans cesse !…

Cela me fait penser au menu de demain : il serait intéressant de faire de la soupe de melon pour commencer, puis du melon en plat principal, et peut-être du melon pour le désert dessert !
Une bonne tranche de… rire.




Valéry Ponzone


* Ça devient grave : ce n'était pas une jaunisse mais une rougeole… Se tromper à ce point de couleur!… Rouge de confusion ou de honte plutôt !…

mercredi 5 octobre 2016

> Surcouf roi des Corsaires… négriers ?

Une question que je me pose…
Quand je me replonge dans mes anciens journaux de Spirou, je fais toujours des découvertes qui me sautent aux yeux…
Quand l'explication dans l'encadré du bas de la case #2 (avec une flèche rouge devant) est pire que l'argot des siècles passés…
Le prolongement dans la case suivante est pas mal aussi, dans le style justification pleine de charité chrétienne !!!…
Je sais que c'est facile, avec tant de bandes dessinées des années 50 et 60 : mais on nous bassine encore et toujours avec Tintin au Congo, l'arbre qui cache la forêt ((la savane ?) de toute la bande dessinée franco-belge. En oubliant de dire à quel point Tintin au Congo est un mauvais album, si on le met en relief avec ce qu'est devenu Tintin après son voyage en Amérique, qui, au moins avait la mauvaise excuse d'être fait par un gamin et, bien avant-guerre… 
Nous sommes en 1950,  donc bien Après-Guerre : il ne faut pas oublier les tirages énormes que des journaux comme Spirou et Tintin pouvaient approcher et le simple fait que cela constitue du bourrage de crâne insidieux — l'air de rien — fait sous leur petites têtes blondes ("de bons Gaulois ?" pour reprendre la propagande de Mister Désinformation 2000).
C'est le reflet d'une époque ? Peut-être… Mais réponse un peu facile…
C'est plus qu'une question de vocabulaire. Le même qui me dérangeait quand je lisais certains romans de Nestor Burma par Léo Malet dans les années 80…

Hubinon+Charlier, Surcouf Roi des corsaires
in Le Journal de Spirou numéro 617 du 9 février 1950
©Dupuis et les auteurs


Rien ne vaut Les Passagers du Vent pour lire une toute autre version de ce trafic…

Il faudrait que je comprenne un jour ou l'autre comment se fait-il que Bourgeon ne soit toujours pas Grand Prix de la Ville d'Angoulême quand je vois d'autres l'être sans avoir apporté un millième de ce qu'il a apporté à la Bande Dessinée ???
S'il y a un auteur qui allie "œuvre d'auteur" et reconnaissance du grand public, voire populaire, c'est bien lui.
Dans la lignée de certains Grands Prix des années 80 plus que justifiés, comme Bilal, Tardi ou Juillard plus tard …
Incompréhensible…
De toute façon à partir du moment où certains l'ont eu avant Baudoin ou Bourgeon…

Bourgeon, Les passagers du vent tome 5
Le bois d'ébène
Edition originale — Glénat, 1984

Bourgeon, Les passagers du vent tome 5
Le bois d'ébène
Editions Delcourt, 2016




Valéry Ponzone

mardi 4 octobre 2016

> Lolmède et le coup de tête de Zinedine Zidane… en 2007 !

Cela fait près de 10 ans que Lolmède a créé cette œuvre gigantesque (hauteur d'environ… 42 cm !!!) à l'occasion de notre 2ème exposition ensemble à La comète de Carthage !
Étonnante autre œuvre de l'artiste Adel Abdessemed, qui, en 2012 a fait cette sculpture en bronze visible sur le Parvis de Beaubourg lors d'une exposition qui lui avait été consacrée au Centre Georges Pompidou : "Je suis innocent"
Je me suis souvent demandé si l'artiste du bronze serait passé un jour par la rue Frédéric Sauton pour — par exemple  — manger un charwama à l'excellent restaurant libanais dans ma rue connu à travers le monde entier ?
Ou encore une de ces fameuses communions d'esprits des artistes ? 
Si l'on peut être intrigué ou s'interroger (cela permet de garder ses neurones en mouvement), il est évident que l'artiste précurseur est Laurent Lolmède et de quelques années d'ailleurs… 

Sachant que la statue de Adel Abdessemed a été rachetée par François Pinault : nul doute que Lolmède aurait aussi aimé que "la fragilité de l'homme, Zidane" que François Pinault a discerné dans cette œuvre en bronze puisse aussi l'être dans la version en papier mâché et antérieure de Laurent Lolmède… qui, lui, avait eu le mérite de la réaliser dans le prolongement de la Coupe du Monde 2006 !
D'autant plus fragile que le papier mâché l'est bien davantage qu'un bronze gigantesque !

Lolmède, Le coup de tête de Zinedine Zidane
Papier mâché exposé en été 2007 à La comète de Carthage
(sur la toile cirée de Lolmède à Châtelet) 30 x 12 x h : 42 cm


Adel Abdessemed, Coup de tête
Bronze exposé en 2012 sur le Parvis de Beaubourg
Hauteur : environ 4 m (photo © quinquin sur le web)



Valéry Ponzone

dimanche 2 octobre 2016

> Des Yeux Fertiles à Un Regard Moderne…

Ce samedi 1er octobre j'apprends une triste nouvelle : Jacques Noël nous a quittés.

LE libraire avec Un Regard Moderne

J'ai connu Jacques adolescent quand j'écumais les étagères de la librairie Les Yeux Fertiles (Rue Danton dans le 6e arrdst) :  je me souviens des bandes dessinées rangées dans des boîtes en bois , parfois sous les meubles (déjà), mais aussi le Polar et la S.F. …
Pour moi c'était déjà LE libraire.
Il me dégottait si souvent ce que je recherchais, que c'était avec célérité que je venais de ma cité-dortoir de la banlieue sud de Paris pour aller aux Yeux Fertiles
J'ai connu le rachat des Yeux Fertiles et la longue agonie de cette librairie…

Puis, vint la résurrection de Jacques Noël avec l'ouverture d' Un regard Moderne dans cette toute petite rue Gît-le-Cœur, toujours dans le 6e arrondissement non loin des Yeux, dans cette toute petite rue qui partait de la rue Saint-André-des-Arts et menait vers la Seine (ou le contraire)… à côté d'une des meilleures salles de cinéma parisienne.
J'ai vécu l'ouverture d'Un Regard Moderne et j'ai vu la librairie se remplir peu à peu au fil des ans… de livres de toutes sortes et de tous horizons.
Et se remplir, et encore se remplir de livres tous plus incroyables les uns que les autres…
Au début le lieu était très praticable et il y avait même cette petite salle d'exposition sur la droite, dans laquelle on pouvait admirer bon nombre d'auteurs parmi les plus en avance sur l'époque (ou peut-être est-ce l'époque qui est parfois en retard sur ce genre de créateurs ?).
Mon premier achat au Regard Moderne fut une bande dessinée alors que les rayonnages étaient encore peu remplis : un Pratt, À l'ouest de l'Eden en collection Pilote mais avec des pages blanches à l'intérieur. Des pages non imprimées…
Cela m'avait fait bizarre en feuilletant le livre : des pages vierges donc manquantes… mais je fus agréablement surpris de constater qu'il y avait avec bien belle dédicace de Pratt sur deux de ces pages pour combler le vide !
Un auteur si classique chez lui !
Tellement éloigné de tous les livres auto édités, en simple photocopie ou en sérigraphie faits dans la cuisine de Pierre La Police, Captain Cavern, Blanquet, Kerozen, Poincelet, BlexBolex, Thierry Guitard, Huger/UG, Julie Doucet (qui interrogeait déjà en tout petit format : S2 l'art ?) et autres premiers ouvrages du Lynx à Tifs (les premiers Patte de Mouche cartonnés) que j'achetais et dénichais chez lui ces années là…
Tous ces ouvrages notamment beaux, étranges, petits, minuscules, grands, improbables, cheap, luxueux, sages, dérangeants, déstructurés, à la ligne crade, à la ligne frêle, à la ligne claire, à la ligne pas très droite, européens, américains, asiatiques, reliés, agrafés, fanzines, cousus, collés, faits à la main, avec des images, avec du texte, et si souvent faits avec passion, espoir, envie et la Foi…
Je me souviens de sa façon d'écrire les prix au crayon dans les livres, à l'ancienne, mais aussi parfois de ce "rare" qui pouvait en précéder certains…

Rare par Jacques Noël dans un livre…

Sans oublier toutes ces expositions d'artistes qui n'auraient — à cette époque — pu être que sur les murs d'Un Regard Moderne !…
De certains de ces dessins et peintures suspendus au-dessus de nos têtes de Lagautrière ou Doury, en exposition quasi permanente et de son attachement profond à ce dernier…
Il est amusant de me souvenir, maintenant, que l'exposition qui m'a le plus surpris fut celle de Georges Delfau,  avec ces petites peintures quasi miniaturistes de parties de jambes en l'air dans la petite bourgeoisie franchouillarde (L'invitation chez Jean-Pierre Faur) !

Mes dernières acquisitions chez Jacques, avant de partir du Quartier Latin pour respirer ailleurs, furent deux estampes : de Charles Burns et de Pierre La Police… 
Je ne me souviens plus trop de la dernière exposition que j'y ai vu : peut-être était-ce Rocco, mais cela serait si éloigné ? 
Et la dernière fois que je suis allé "dans son" Regard Moderne, quelle ne fut pas ma surprise de voir  des dessins de Jacques Noel, parmi ses dessins originaux…
Une boucle…

Plein de souvenirs…

Quelqu'un à part, que j'ai fréquenté en tant que client, que collectionneur mais aussi en tant que libraire et (tout petit) éditeur, et distributeur, voire plus si affinités…
Jacques était pour moi un Libraire, certainement le dernier des Libraires.
En tout cas d'un certain état d'esprit qui régnait dans ce métier.
Un explorateur qui a ouvert la voie à un grand nombre d'autres futurs libraires pour lesquels il a défriché tant de domaines du Livre, et plus encore la possibilité d'une alternative certaine dans ce qu'un libraire peut proposer à ses clients (et de fait la richesse incroyable de l'édition mondiale : des livres de tous genres et de toutes sortes)…
Je me souviens que dans le métier, lorsque s'ouvrait une librairie plus ou moins bien calquée sur le Regard Moderne, l'habitude était prise de dire que c'était un peu comme le Regard Moderne avec ceci ou cela de différent : la musique en plus, les livres sur la tapisserie et le macramé en plus, ceux sur le fétichismes ou le tatouage en moins etc. : le Regard Moderne était devenu un modèle et Jacques avait créé la référence absolue de ces librairies qu'avec un ami on distinguait plus simplement en les appelant "différentes"…
Il était un libraire culturellement mondialisé avant même que cette idée ne soit aussi répandue !
En d'autres temps, si une Guilde des Métiers du Livres existaient il aurait été un Maître-Libraire, comme certains Artisans d'Art peuvent ou pouvaient l'être.
Jacques fut le meilleur des exemples à suivre et il m'a beaucoup apporté, montré, transmis et il m'a surtout permis d'avoir l'œil un peu plus aiguisé grâce à sa propre vision : des Yeux Fertiles à Un Regard Moderne
Tout n'est qu'un question de Vision.
Et Jacques était un librairie avec un Regard Moderne !

J'ai cherché une photo de sa librairie grâce au moteur de recherche des Gogols® que nous devenons depuis internet : je l'ai dit la librairie s'est remplie, tellement remplie au fil des ans qu'elle en est presque devenue la grotte de Gaston Lagaffe…
Un Regard Moderne c'était beaucoup de choses à la fois, l'émanation de Jacques Noël, sa personnalité et ce qu'il était ou aimait étaient la respiration de sa librairie : une idée qu'il affirmait, la libraire d'un Libraire.
Non. La librairie du Libraire.
Un Regard Moderne était surtout un lieu qu'il avait rempli avec ce qui compte le plus dans un librairie : DES LIVRES !
Un lieu pour que vivent les livres… qui ne commencent à exister, à vivre leur vie de livres que lorsqu'il sont dans des librairies avant de trouver leurs acquéreurs…
Mais pas n'importe quels  livres, pas tous les livres : juste ceux qu'il avait envie de transmettre, de montrer, d'avoir dans sa librairie, de trouver, de dénicher, de commander, de vendre.
Ceux qui lui correspondaient. Ceux qu'ils choisissaient. Ceux dont il avait envie.
Souvent aux antipodes de ce qu'est devenu ce métier ces dernières décennies. Il préservait quelque chose dans ce métier du livre, qui échappe à l'entendement commun et à l'esprit ultralibéral dominant.
Jacques était une force vive politique, une alternative, à lui seul : sans même rechercher à l'être.
En étant et restant lui-même…
En continuant tranquillement à faire ce qu'il aimait comme il l'aimait avec son Regard Moderne.

Librairie Un Regard Moderne — 10 Rue Gît-le-Cœur 75006 Paris

Gaston Lagaffe chine des livres dans Un Regard Moderne



Je me permets de relayer ici un message de Blanquet qui est présent sur le facebook d'Un Regard Moderne :

" Il fait parti de moi, de nous , de ceux qui font , qui font des images, des textes , des livres , des livres de mots, des livres d'images , des livres uniques , à exemplaire unique , des livres débordants , des livres maximals . Jacques Noël fait parti de moi, Un Regard Moderne fait parti de moi, de nous, de notre histoire, histoire de ceux qui font, de ceux qui aiment ceux qui font , de ceux qui suivent ceux qui font .
Jacques Noël a fait une oeuvre, une oeuvre unique, généreuse , organisé malgré les apparences , une oeuvre singulière , fait de livres , fait avec nous , dans son endroit, son Un Regard Moderne.
Jacques Noël à défendu les plus obscurs, les plus évidents, les plus pointus , les indéfendables ailleurs.
Il se battait, cherchait, dénichait , prenait les circuits les plus inconnus pour me, pour nous trouver les trésors , les pépites fait de trois photocopies, les bijoux puants d'encres . Jacques Noël fait parti de nous, de moi.
En accord avec Marie Döby sa femme , et Ben son fils , une cagnotte pour couvrir les frais d'obsèques de Jacques est lancée -
Soyez nombreux.
paypal benjamin.noel@orange.fr
pour d'autres modes de payement , écrire en message privé"
Blanquet




Voilà !… À vous de jouer…

Je te remercie pour tout Jacques, et plus encore… pour qui tu étais !

 
Pierre La Police pour Un regard moderne



Valéry Ponzone