mardi 7 avril 2020

> Yves Chaland, Une vie en dessins… (part tri)

Deux pages différentes pour parler d'une lettre de Chaland dans cette Vie en dessins : cela fait un peu répétition et contribue à cette impression latente de manque de structure du livre.
La première citation est dans les légendes en rouge…
La seconde fait partie du texte de référence, avec un manque de précision un peu étonnant : à force de ne vouloir passer que par des témoignages d'auteurs et de se valoriser à travers eux, on tombe dans le travers de la déformation des faits…

La Ligne Claire… par Chaland
dans Une vie en dessins - Éditions Champaka, 2019

La Ligne Claire… par Chaland
dans Une vie en dessins- Éditions Champaka, 2019

Présenter Floc'h comme "dépositaire" (sic) de cette lettre est en effet légèrement trompeur : la présentation correcte eut été de dire que Floc'h possède juste une photocopie d'une lettre destinée à un (jeune) lecteur de Chaland !…

Le second point a été relevé par le lecteur destinataire réel de cette lettre que Chaland lui avait envoyé :  il est encore plus étonnant de lire ce "et, avant tout, L'art moderne du néerlandais Joost Swarte" sous les touches du clavier du rédacteur ???
Chaland ne fait qu'énumérer trois titres, et n'a jamais fait une liste de classification qualitative mais une simple énumération : "L'art moderne n'a pas été situé en haut d'un podium qui n'existe pas !…", comme me le précise fort à propos le destinataire de cette fameuse lettre !…

"la Ligne Claire c'est 3 albums : 
- L'art moderne de Swarte
- Le rendez-vous de Sevenoaks de Floc'h
- Captivant de Chaland (modestement)"

Il est étrange de ne pas voir le nom de Cornillon, tout en sachant que Captivant est autant un hommage à l'âge d'or de la Bande Dessinée franco-belge qu'au comics US (plus récent que le Golden Age US, puisque certaines histoires sont proches, par exemple, du trait de Berni Wrightson !)…

La Ligne Claire… par Chaland
dans La lettre originelle !

Comme je suis certain que seuls les initiés connaissent ces trois titres, et, comme d'habitude, la maison de ne reculant devant aucun sacrifice, je vous offre les visuels des couvertures : 

L'art moderne de Joost Swarte
Éditions Les Humanoides Associés, 1980

L'art moderne de Joost Swarte
Éditions Futuropolis, 1985

Joost Swarte's Modern Art
Real Press Foundation, 1980
2000 ex. numérotés et signés

Le rendez-vous de Sevenoaks par Floc'h et Rivière
Édtions Dargaud, 1977

Le rendez-vous de Sevenoaks par Floc'h et Rivière
Édtions Dargaud, 1977

Remarquez la photos de auteurs au 4e plat du livre : ils sont avec leurs casques coloniaux sous le bras… Cela a-t-il donné une idée à Chaland pour son Freddy Lombard sur la piste du Cimetière des éléphants ?…
Je connaissais deux magasins spécialisés dans les tenues coloniales : un dans les beaux quartiers, dans le 7e arrdst parisien, sur le boulevard Saint-Germain, proche de la rue Solférino et de l'Assemblée Nationale et un autre plus étrangement placé rue de la Roquette, dans le 11e arrdst, proche de la Bastille.
Sont-ils encore ouverts à ce jour ?… J'en doute fort ???…
[Personnellement je m'étais acheté un casque colonial,  en pensant à Freddy Lombard affrontant la moiteur de la jungle,  chez Pier Import, rue de Rivoli, au milieu des années 80 : il n'était pas de qualité coloniale mais pas cher du tout !…  D'ailleurs ceux d'entre vous qui venaient — vraiment — à la librairie et ont vu des expos underground, dans la cave (pas celles au 1er étage) doivent se rappeler l'avoir vu posé négligemment sur une vitrine en teck : jusqu'à ce que je me décide à le jeter, la toile extérieure réagissant très mal au temps qui passe !…]
Je me demande si le second magasin n'aurait pas pu donner d'autres idées à Chaland pour son Cimetière des éléphants ?… En effet, la rue de la Roquette n'est pas loin de la rue Daval où se trouvait la librairie de Jean-Marie, spécialisée en scoutisme, en bandes dessinées anciennes et littérature populaire, enfantinat : Aux livres d'Alésia… Chaland habitait pas très loin, de l'autre côté de la place de la Bastille, rue de Lyon (comme Freddy Lombard : étaient-ils voisins de palier ?) et Chaland a dessiné la carte de visite de la librairie Aux Livre d'Alésia (hé oui, Chaland achetait ou échangeait ses bandes dessinées anciennes ailleurs que chez Chic-Bull à Bruxelles : Aux livre d'Alésia, Lutèce, Roland Buret, L'oreille cassée etc. !)…
Hé oui, ami lecteur (si tu n'es pas un ami lecteur, passe ton chemin et continue à répandre ton âme noire sur tes forums préférés !), savais-tu que Chaland habitait au 59 rue de Lyon, à Paris dans le XIIe arrdst, et qu'il n'y a que dans ce blog merveilleux et gracieux que tu peux apprendre, émerveillé et stupéfait, que Freddy Lombard habitait la même adresse !…
Entre l'ombre sous la semelle empruntée à Pat'Apouf ou ce genre de chose, si ce ne sont pas de véritables révélations, que sont-ce ?
Mais, oui, que sont-ce donc !!??…

Adolphus Claar, Carte de visite personnelle de Chaland

Adolphus Claar lit un album à damiers : j'en reparle un peu plus loin dans ce billet…

Freddy Lombard, Le cimetière des éléphants par Yves Chaland
Éditions Les Humanoïdes Associés 1984 - Planche 1
Freddy rentre chez lui avec son tableau au 57 rue de Lyon, Paris XIIe

Freddy Lombard, Le cimetière des éléphants par Yves Chaland
Éditions Les Humanoïdes Associés 1984 - Planche 8
Freddy rentre chez lui au 57 rue de Lyon, Paris XIIe

57-59 Rue de Lyon Paris XIIe
©Alphabet -Street view

Voici la carte de visite de la librairie Aux livres d'Alésia en interlude graphique : elle lie les plaisirs du scoutisme (qui ne sont pas solitaires, même si depuis quelques temps, surtout aux USA on en apprend pas mal sur le scoutisme et… enfin… bon, ce n'est pas le moment de parler de ces histoires glauquissimes…) et de la lecture : on ne lit pas en mangeant ou à table, mais en marchant, on peut le faire !!!… La RN10 de la borne kilométrique chère à Chaland est sur la Nationale qui nous emmène à Bordeaux : mais qui me dira où l'on se trouve quand on est à 120 kilomètres de Paris ???…

Aux livres d'Alésia - Carte de visite par Yves Chaland

J'ai un vieille blague de Binet, dans L'institution, qui me revient en mémoire, mêlant les kilomètres, la distance, et la ville de Tours, mais avec ces histoires de scoutisme, je vais botter en touche…

Je vous raconterai bien la première fois que j'ai voulu aller dans cette librairie, je pensais qu'elle était rue d'Alésia, qui n'est pas une rue parisienne trop longue pourtant…
Cette bonne blague !…

Captivant par Chaland et Cornillon
Éditions Les Humanoïdes Associés, 1979

Captivant par Chaland et Cornillon
Éditions Les Humanoïdes Associés, 1979

La maquette de Chaland pour cette Collection Pied Jaloux est d'autant plus référentielle que sa texture, on dit patterns maintenant dans les sites de graphisme, avec ces minis losange, ou cette grille, ne peut que rappeler discrètement les célèbres 4e plats "à damiers" de l'élégante Collection du Lombard
Dans un précédent billet, je vous ai montré le mythique 4e plat "peau d'ours" de la Collection du Lombard, il est temps de passer aux damiers qui ont succédé, afin de continuer notre parcours vers la connaissance extrême de la Bande Dessinée de collection, et l'extase de la Connaissance !!??…
Vous remarquerez que l'on ne trouve pas Michel Vaillant dans ces plats arrières à damiers de la Collection du Lombard, mais d'autres personnages moins connus…

Collection du Lombard - 4e plat damiers

Collection du Lombard - 4e plat damiers


Même si Chaland donne une explication sur la suite inéluctable de la Ligne Claire®, et pour pinailler, il manque à mon sens un titre parmi ceux cités par Chaland qui, correspond d'ailleurs mieux à la définition de la Ligne Claire® que Captivant : Berceuse électrique, extraordinaires Aventures au XXe Siècle de Ray Banana par Ted Benoit !…
Voilà un livre ultime qui correspondait absolument à la Ligne Claire® telle que définie par Joost Swarte, avec une ambition d'écriture et graphique extrêmes, ne serait-ce que par longueur de ces aventures chapitrées et digne d'un roman en Bande Dessinée : un roman (A SUIVRE)…


Ray Banana, Berceuse électrique par Ted Benoit
Éditions Casterman 1982


La Ligne Claire® définie par Joost Swarte, on en parle, on en parle, ici et là depuis les années 80, mais hormis être un concept connu que de rares élites dont certains se sont emparées afin de se faire passer pour des esthètes (à leurs propre yeux ?), qu'est-ce vraiment pour l'auteur néerlandais malheureusement si peu connu ?…
Lors de ma visite au Musée Hergé dans cette riante bourgade de Louvain-la Neuve (entre Noël et le Jour de l'An, imaginez le côté riant avec de la neige tout du long du long trajet de train et un froid de canard dont on aurait piqué les plumes pour mettre dans les couettes Ikea…), j'ai eu la chance de tomber, outre sur un très beau lieu dont l'architecture intérieure est l'œuvre de Swarte justement, sur une belle exposition temporaire consacrée au magnifique Lotus Bleu d'Hergé (ou sur Hergé et Tchang, maintenant que j'y repense ?) …

Il y avait cette citation de Swarte inscrite sur l'un des murs de l'exposition : 
"La Ligne Claire désigne une manière de dessiner qui implique les principes suivants. Les surfaces sont délimitées par une ligne d'épaisseur constante avec des contours francs, elles sont mises en couleurs par aplats, sans ombrages ni hachures."
Joost Swarte

C'est effectivement clair, net et précis !… Pour celles et ceux toujours désireux de mettre un peu n'importe qui et n'importe quoi derrière ce label de Ligne Claire® au risque de déroger à la Loi et de s'attirer les foudres du Créateur !!!…

Adolphus Claar par Yves Chaland
Éditions Magic-Strip 1983

Presqu'aussi clair qu'Adolphus Claar, dont le seul nom évoque cette Ligne Claire®, Klare Lijn en néerlandais, définit par Joost Swarte : cette seule référence patronymique est complètement oubliée dans cette Vie en dessins à multiplier les références et/ou écoles, on en oublie l'évidence,  à disserter sur le style Atome qui aurait été inventé (à l'insu de leur plein gré ?) par les vieux maîtres de l'Age d'Or (pas "grands" maîtres mais bien "vieux" !) : ils n'ont rien inventé de ce genre, ce sont des "exégètes postérieurs" qui ont cherché à coller des étiquettes un peu partout par cette volonté farouche de classifier, étiqueter ou mettre dans des tiroirs, avant les vitrines ou les cimaises tels les collectionneurs de papillons (je ne peux que vous conseiller de relire Docteur Poche de Wasterlain !) !… 
Pourquoi ne pas parler du style Atome, on trouvera bien un jour le style Eiffel pour des auteurs de Bande Dessinée (Schuiten ?), mais oublier avant toute chose que Adolphus Claar ne peut faire que référence à la Klare Lijn, et à la Ligne Claire, j'en reste baba, comme on dit dans Barbe-Rouge (je ne peux que vous conseiller de relire Barbe-Rouge de Charlier et Hubinon) !!!…


Adolphus Claar par Yves Chaland
Affiche promotionnelle
Éditions Magic-Strip 1983


Adolphus Claar est un héros positif : voilà peut-être le maître mot qui définit le mieux Yves Chaland, le simple fait de positiver, malgré tous les doutes et toutes les interrogations qui devaient le tenailler autant que quiconque : mais c'est bien ce positivisme qui ressort de l'univers qu'il a su créer et nous offrir pour la postérité !…
Cet allant indéniable qui rime si bien avec Chaland !!!…



Valéry Ponzone