Il faut le dire, tout le petit monde de la bande dessinée râle, rouspète, vitupère, renacle, et voudrait que "cela change" mais tous y participent : il y a trop de livres de bande dessinée qui sont publiés entre la fin du mois d'aôut et la fin du mois de décembre. Entre rentrée, et dernière percée suplémentaire en vue des arbres de Noël, les librairies sont assaillies, envahies et débordées par la profusion, et - il faut le dire - une certaine incapacité à parfois faire des choix réels ou draconiens quant à ce qui nous est proposé par les soldats du front que sont les vaillants commerciaux du livre…
Mais, si cette rentrée 2006 ne fait pas exception à la règle d'autant moins, qu'à chaque nouvelle rentrée nous avons encore plus de bandes dessinées qui nous sont livrées, il faudrait parfois arrêter de parler de quantité et enfin s'intéresser à la qualité ? Pour ma part, cette année est l'une des rares où dans ce flot incessant de cartons livrés par des transporteurs aimables comme des portes de prisons, je trouve une aussi grande qualité ! Nous connaissons tous le raisonnement virant à l'équation mathématique : dans tout domaine de création nous pouvons compter sur 10% de qualité et 90% de productions médiocres voire moins si affinités ; Tardi dans les années 80, et juste pour surenchérir un poco, poussa le raisonnement jusqu'à l'extrême limite des 99 % (dans les pages de PLG) - qui rappellera à certains les scores électoraux mirifiques de la Bulgarie d'avant 1989 - et fit vibrer et se trémousser le Landernau de la BD de cette époque…
Warren Ellis, l'un des scénaristes yankees post-Alan Moore parmi les plus malin, dans l'une de ses chroniques sur le ouebe (sans babel) tint gloabalement le même discours mais en poussant le raisonnement dans son retranchement et application la plus pragmatique (il est américain…) : gardons à l'esprit cette valeur constante de 10% de création intéressante, créative et émergeant de l'ensemble stagnant ou regressif et - au contraire - réclamons un volume encore plus important de publications (ou de création), notre petit 10% restera toujours à cette hauteur mais sera proportionnellement plus important puisque fonction du volume global : nous n'en tirerons que davantage de bénéfices !
Il est assez évident que nous sommes dans cette logique implacable de surproduction (dans bien des secteurs de l'activité humaine, faudrait-il dire) dans le petit monde de la bande dessinée,chaque nouvelle année dépassant allègrement la précédente, mais cette année pour ma part, je trouve justement encore plus d'extraordinaires livres de bande dessinée à découvrir et lire ! La qualité est bien au rendez-vous, et cela fait bien longtemps que je n'avais pas trouvé autant de plaisir de lecture, d'aussi bonnes surprises dans ce que l'édition de bande dessinée peut proposer et produire en une période aussi dense et inflationniste… Merci donc à tous les éditeurs sur-producteurs, car, finalement ces 10% sont devenus encore bien meilleurs !