jeudi 5 novembre 2009

CET HOMME AIME-T-IL LES LIBRAIRIES ?

Alors que tant d'auteurs de bande dessinée ouvrent leur porte et leurs cartons à dessin pour vendre à ce faux mécène mais vrai commercial / commerçant, et que toutes les galeries de vente d'originaux de bande dessinée ne rêvent que de l'avoir comme exceptionnel client, il est bon de citer une envolée alarmante pour les librairies de Michel-Edouard Leclerc écrite dans son blog en date du 8 février 2008 (à lire à la fin de ce texte).
Le but avoué serait-il que sa principale activité de lobbyiste à la française soit d'abroger la Loi Lang sur le Prix Unique du Livre ? Texte de loi ayant permis - tout simplement - qu'il y ait encore autant de librairies ou de points de vente de livres en France (http://www.culture.gouv.fr/culture/dll/prix-livre/textes.htm#text1) !
Contrairement à d'autres "vendeurs de biens culturels", tels les disquaires pour donner un exemple assez comparable et dont on a pu rapidement constater le résultat au fil des ans (indépendamment de la situation actuelle du rapport à la musique)…
J'avais déjà saisi par hasard des propos de ce type du même M.-E. Leclerc : le fameux corporatisme des libraires du fait de la Loi sur le Prix Unique du livre les protégeant tel le champ de force de L'Étoile Noire, était comparé à celui des pharmaciens. Il semble donc évident entre l'oral et l'écrit que les premiers pas de l'éducation des consommateurs sont faits par ce si cher M.-E. Leclerc pour chercher à rogner petit à petit et/ou faire modifier cette Loi Lang à moyen terme. Évidemment, par extension de la comparaison, la grande distribution n'est absolument pas corporatiste et ne cherche absolument jamais à défendre sa/ses position(s) dominante(s) dans certains domaines ? Et ce n'est jamais sur ces points là que la grande distribution est parfois épinglée par les organismes compétents dans le domaine du commerce (des Associations de Consommateurs aux officines étatiques) ?
Je n'ai malheureusement ni vu ni lu aucun commentaire de la part du monde de la bande dessinée à ce sujet, alors que certains supports du monde du livre ont repris ces propos très inquiétants pour ce qui n'est, dans le contexte économique actuel, qu'une simple question de survie économique pour un grand nombre de librairies françaises (http://www.livreshebdo.fr/librairies/actualites/michel-edouard-leclerc-relance-la-polemique-sur-le-prix-du-livre/1445.aspx).
Ces quelques lignes extraites de son blog dans leurs comparaisons sont très révélatrices : il n'y a guère que les libraires peu certains de leurs connaissances professionnelles et/ou de leur rôle et statut réel, qui prendront comme un outrage la comparaison de notre profession avec… les chauffeurs de taxi (en français c'est toujours mieux qu'en anglais Mister Leclerc) !
Quand on connaît certains taxis parisiens qui - juste sur un plan professionnel - connaissent si peu la topographie urbaine parisienne et les trajets qu'il faut effectuer, on ne peut qu'être fier de cette comparaison d'un blogueur (blagueur ?) qui a dû prendre les personnes embauchées dans ses propres Espaces Culturels, pour de vrais libraires d'une part, et comme exemple(s) d'une autre part ?
Il serait bon que M.-E. Leclerc n'utilise pas son blog comme un outil de propagande et de désinformation et de ne pas déformer la réalité : la Loi permet bien un rabais (sic) de l'ordre de 5%. Celui-ci n'est pas suffisant ? Pourtant s'il était appliqué sur les autres produits, nul doute que les consommateurs — ce concept si flou et général pour ne pas dire démagogique et populiste si aisément avancé — prétendument défendus par la grande distribution seraient plus heureux lors de leur(s) passage(s) en caisse (il faudrait vraiment être le dernier des naïfs avec yeux, oreilles et matière grise bloqués pour ne pas se rendre compte que vous ne défendez que vos seuls intérêts et bilans financiers, ce qui est tout à fait normal puisque tel est votre rôle, sauf en prenant auditeurs & lecteurs pour des imbéciles)…
Il est étonnant, et cela fait partie d'une certaine rhétorique économico-poussiéreuse et rétrograde de parler d'interdiction, afin de chercher à démontrer une équation à la sauce désinformation : loi = interdiction = priver d'une liberté = liberticide, alors que ladite loi vous permet bel et bien une réduction de 5%.
Pour ceux qui ne le savent pas encore, le prix unique du livre est fixé uniquement par les éditeurs et non pas par les libraires, les diffuseurs (dont vous ne parlez pas ?), les auteurs ou les pigeons-voyageurs que vous mettez dans un seul et même sac bien pratique pour caricaturer le monde du livre auprès de ceux que vous dites ne pas connaître cette Loi, mais vous gardez bien d'informer correctement… Ce Monde du Livre pourtant très divers à tous les niveaux, que vous considérez composé de comploteurs gauchisants voulant supprimer LA liberté individuelle d'accès à la Culture de Masse du consommateur/lecteur/acheteur, auquel vous — M.-E. Leclerc — tel un héros des temps modernes, permettriez l'accès en Caddie® à roulettes si jamais cette loi qui vous paraît si inique n'existait plus ?
Il est évident que des éditeurs tels Hachette (Lagardère) ou le Groupe Média Participation pour glisser vers la bande dessinée (Dargaud ; Dupuis ; Lombard ; Blake et Mortimer ; Fleurus etc. > plus de 35% du marché de la bande dessinée francophone), sans oublier le Groupe Gallimard ne sont pas dans cette catégorie ci !?…
Je suis curieux de savoir pourquoi, alors que ce prix est fixé en amont par les éditeurs eux-mêmes d'après des paramètres qui ne regardent que leur gestion et les coûts lourds engagés pour l'édition d'ouvrage en bon vieux papier (encore un concept rétrograde : toujours des livres imprimés sur du papier et cela depuis des siècles ?), vous ne prenez pas votre courage à deux mains et allez négocier et imposer par force persuasion économique d'autres prix de vente au public (moins élevés s'entend !), comme il semblerait que cela se fait avec d'autres interlocuteurs (producteurs laitiers par exemple si l'on en croit les médias des jours actuels) ?
Pour le fait, tout le monde serait avec vous : des librairies, qui profiteraient de cette répercussion à la baisse du prix de vente public de livres, aux consommateurs… L'alternative ou la diversité culturelles des points de vente du livre, des hypermarchés aux librairies, en passant par les FNAC - Virgin - Cultura ou le e-commerce (…) serait préservées, voire renforcées : mais peut-être que la trop grande diversité, la répartition trop conséquente de la vente des livres est-elle gênante ?
Le but avoué serait-il de répéter ce qui se passe
et ce qui s'est trop passé dans tant de secteurs, et de montrer le coté obscur du libéralisme ? De permettre ces fameux rabais qui ne font qu'entrer dans un nouveau concept économico-culturel : la Loi du Plus Fort (= du Moins Cher), et donc de casser de la petite-moyenne ou grande librairie, indépendamment du rôle propre dévolu aux librairies et aux libraires, ce qui, effectivement ne doit pas être le critère d'embauche primordial dans certains Espaces Culturels ?
Il est vrai qu'existe une véritable hypocrisie dans cette Loi Lang, qui permet AUX SEULS éditeurs de fixer le prix de vente d'un livre. Sans aucune concertation d'aucune nature avec les autres partenaires des Métiers du Livre : ils sont les seuls et uniques détenteurs des clés du savoir quant à la réalité du prix du vente du livre. Éditeurs et diffuseurs sont le plus défendus par cette loi, et en sont souvent les principaux bénéficiaires (et non pas les libraires) : s'il est évident qu'elle a permis à tant de librairies d'être encore ouvertes et si présentes en France (et pas seulement à Paris contrairement à notre traditionnel et historique centralisme culturel français), et, aux acheteurs de livres de trouver un prix identique dans quelque point de vente que ce soit, avec une différence maximum de 5% sur le prix de vente (la connaissance de son métier ; le service ; les conseils ; les renseignements ; la personnalité et la personnalisation et toutes ces sortes de choses sont sans prix : comme l'Amour des Livres d'ailleurs !).
Mais le jeu économique est très différent — il est bon d'en informer les gens — par les remises accordées aux libraires par éditeurs et/ou distributeurs / diffuseurs, qui sont souvent d'ailleurs des structures appartenant aux plus importants groupes d'édition. Une remise est accordée aux librairies suivant des critères bien définis et purement formels et théoriques parfois ou pour simplement les justifier : travail du fonds ; accueil des commerciaux ; mise en avant des nouveautés ; animations (oui mais sans clown !) ; réalisations de vitrines etc. Avec le nombre d'éditeurs et de titres publiés annuellement, à moins d'avoir des espace de 12500 m2, difficile de respecter tous ces critères de façon optimale, c'est à dire afin d'obtenir la remise maximum : comme nous sommes en relation commerciale, évidemment le point le plus important est le fait de vendre beaucoup de livres ! Avant toute chose la quantité plus que la qualité !
Il est évident qu'un hypermarché de par son volume de clientèle est en position de négocier et obtenir les remises maximales, avec dans sa grande tradition des délais de paiement sans comparaison pour la librairie lui permettant d'un autre côté de faire travailler l'argent. Et de cela les diffuseurs ne tiennent pas compte quand il s'agit — quand cela les arrange — de se fixer juste sur les paramètres pré-cités pour accorder une remise : ces différences de remises peuvent fluctuer entre 10 et 15 %. Ce qui ne se voit jamais au bout de la chaîne pour le lecteur-acheteur puisque le prix de vente public est partout le même, et souvent (c'est la Loi) imprimé sur le livre ! Par contre au milieu de la chaîne, une librairie est beaucoup plus sensible à ces différences de marges accordée, sur des critères très peu objectifs et surtout allant toujours dans un seul sens (une parenthèse : dans la conjoncture actuelle, si tous les libraires pouvaient avoir des remises plus importantes, peut-être vendraient-ils plus de livres ?)…
Nul doute que M.-E. Leclerc bénéficie de ces conditions optimales. Mais cela ne semble plus suffire, surtout en période de crise ou tout est prétexte à être remis en question afin de pouvoir être le Meilleur si le Seul et donc gagner encore plus d'Argent, quitte à casser ou ébrécher l'un des aspect historique de la chaîne du livre en France si la Loi sur le Prix Unique du Livre venait à être supprimée.
L'avantage est que nous sommes prévenus au moins du désir de certains, et que si cette situation se présente nous ne pourrons pas prétendre être surpris !
Alors que les collectionneurs de bande dessinées rivalisent de bruissements de galeries de vente d'originaux de bande dessinée au sujet de
M.-E. Leclerc et du nombre estimé (estimable ?) de planches originales de bande dessinée en sa possession (témoignage direct d'une discussion quizz avec un client il y a quelques semaines), que les galeristes arborent un sourire radieux dès qu'il pénètre chez eux et le servent en argument de vente auprès des autres clients ("MEL nous en a acheté tant"), que les experts de ventes aux enchères semblent le citer parmi les grandes fortunes (sic) leur achetant certaines pièces (http://www.lepoint.fr/culture/2009-02-03/la-bd-entre-au-musee/249/0/311886) ou que d'autres encore pronostiquent l'ouverture de son musée ou fondation de bande dessinée, il est bon de savoir le projet de l'acteur économique M.-E. Leclerc pour le livre en général et que celui est le même que sur les autres produits présents dans les rayonnages de la grande distribution… .
Plus encore pour les auteurs : le jour où leurs livres ne se vendront quasiment plus qu'en hypermarchés ou sur internet du fait de l'élimination du paysage de trop de librairies, il sauront ainsi qui remercier de ce futur unilatéralisme culturel qui pourrait bien se dessiner si un jour la Loi sur le Prix Unique du Livre qui dérange tant
M.-E. Leclerc, tant elle permet d'alternatives, de diversités et de choix aux consommateurs qu'il prétend pourtant défendre (on peut déjà tirer des leçons de ce qui se passe aux États-Unis depuis quelques années : un pourcentage effrayant de librairies ont fermées sous la pression conjuguée d'internet et des Wal-Mart stores).
Quant aux "
cris d’orfraie des libraires", c'est intelligent et sournois que de vouloir tout focaliser sur les méchants librairies (mais aussi manichéen et caricatural) , surtout en sachant que les éditeurs (SEULS décideurs des prix de vente je le répète) et plus encore finalement les auteurs dans leur plus grand nombre seront les plus touchés par cette abrogation rêvée par M.-E. Leclerc et ne paraissent aucunement demandeurs d'une telle mesure (?), et ne sont pas plus contraints de quoi que ce soit par les libraires que vous ne semblez en fait ni trop connaître, ni trop apprécier (mais où achetez-vous donc vos livres en fait ?)…
Puisque-vous même n'êtes pas corporatiste contrairement aux libraires, pourquoi ne pas laisser plus de grandes surfaces hard-discounts en bon français s'installer dans vos périmètres d'activités afin de favoriser le pouvoir d'achat de vos clients que vous devez si peu fréquenter ?
Un détail : défendre sa spécificité, son secteur d'activité, son métier, son histoire (les libraires existent
tout de même depuis un peu plus longtemps que les gérants et chaînes d'hypermarchés) et la diversité culturelle (…) en étant arc-bouté à l'idée que les libraires ont de la Culture et à la fierté d'exercer leur métier est bien plus noble que certains, intéressés à la seule défense de leurs gains financiers…
Uncle Scrooge de Carl Barks est plus agréable à lire en bande dessinée qu'il ne le serait à le subir dans la vie réelle !

"8 février 2008 : Rapport Attali : une 317ème proposition ? Chiche ! (…) Il y aurait bien eu l’opportunité d’intégrer une 317ème mesure dans le rapport. C’est l’abrogation de la loi Lang. A part libraires et éditeurs, les lecteurs connaissent de moins en moins cette loi (1981) qui interdit de pratiquer des rabais sur les livres. C’est typiquement une mesure corporatiste. La Fnac, puis E. Leclerc, s’étaient battus contre cette mesure qui faisait partie des « déjà » 101 propositions de Mitterrand. Les tribunaux nous avaient re-toqués au grand soulagement de la profession arc-boutée à l’époque, comme les taximen aujourd’hui.Je n’arrive pas à croire que « le tombeur » des professions protégées ait incidemment oublié cette affaire
Il y a quelques jours, je débattais sur Radio Classique, avec Denis Jeambar et Eric Le Boucher (rédacteur en chef au Monde et membre de la Commission Attali). Ironiquement, je lui ai demandé l’origine de cet oubli. Il avait l’air sincèrement interloqué : « Tiens, oui, personne n’a abordé le sujet en commission ».
Soit, mais de la part de J. Attali, esprit si universel, j’ai du mal à le croire.
Il m’est venu cette idée, cette impression, ce début de soupçon, que, peut-être…il valait mieux qu’il en soit ainsi pour que le rapport soit diffusé ! Vous imaginez les cris d’orfraie des libraires si notre homme était revenu sur le sujet. Quant à Bernard Fixot, nul doute qu’il aurait dû mettre le livre au pilon.
Bon ! Les méchantes langues trouveront là argument : « Il vaut mieux s’attaquer au corporatisme des autres professions plutôt que de s’en prendre au sien ».
Dans le doute, je lui donnerais le bon Dieu sans confession. Mais à une seule condition : qu’il nous dise son avis sur cette législation…à cent lieues des recommandations de la Commission Attali.
P.S. de dernière minute : Jacques Attali vient de me répondre, la Commission et lui-même sont favorables au maintien de la loi Lang.
Michel-Edouard Leclerc"
http://www.michel-edouard-leclerc.com/blog/m.e.l/archives/2008/02/index.php